Le processus géologique qui explique que les éléments chimiques contenus dans les roches, dans les déchets miniers, industriels ou simplement ménagers peuvent se retrouver dans l’eau des nappes souterraines, des sources ou des rivières s’appelle l’altération. Avant d’expliquer (chapitre 4) ce qui se passe pour les déchets, voyons ce qui se passe normalement dans la nature.
Toutes les roches sont composées de phases solides (le granite par exemple, de quartz, de feldspaths et de micas) dont la plupart sont des minéraux (des cristaux) c'est-à-dire que les atomes y sont ordonnés selon la répétition d’une figure de base appelée maille dont la géométrie est caractéristique et dont la force des liaisons atomiques garantit une stabilité plus ou moins importante. C’est ainsi que l’on peut observer par exemple les pyramides du quartz (l’améthyste des géodes) ou les cubes du sel, visibles avec une simple loupe en mettant quelques grains sur une table. Lorsque l’on ne voit pas ces formes, c’est que notre œil n’est pas assez puissant pour cela ; si on lui adjoignait un microscope optique ou électronique, ces formes seraient visibles. Un calcul rapide nous indique que dans un cristal de 1 mm de côté, le motif de base est répété un milliard de milliards de fois (environ). Ce dispositif garantit notamment une certaine régularité dans la composition chimique et la constance des propriétés (forme des minéraux, solidité, résistance à l'altération...).
Comme chacun le sait, sur Terre, il pleut (en France un mètre d’eau par mètre carré et par an, un peu plus ou un peu moins), l’atmosphère est chargée de gaz carbonique (CO2) et cette eau ruisselle sur les roches ou s’y infiltre en y faisant de nombreux dégâts ou pour être positif, en les modifiant ; c’est ce que l’on appelle l’altération climatique.
Les roches placées à la surface de la Terre en contact avec des eaux venant de la surface s’altèrent, tandis que les eaux qui sont la cause de cette altération voient leur composition modifiée, c’est ce qui explique par exemple qu’un fer à repasser ou une cafetière électrique s’entartre en Périgord (région calcaire) et ne s’entartre pas en Limousin (région granitique pour le dire rapidement). C’est ce qui explique aussi la variété de la composition des eaux minérales (lisez les étiquettes au dos des bouteilles) mais ce n’est pas parce qu’une eau est plus riche en tel ou tel élément chimique qu’elle est meilleure à boire (au contraire, les eaux recommandées pour les biberons sont les moins chargées).
L’intensité de l’altération dépend de toute une série de facteurs
- des facteurs extérieurs (les conditions de l’environnement) : la quantité d’eau qui traverse les roches, une température élevée favorise l’altération, une acidité plus forte également,
- des facteurs liés à la nature des minéraux qui composent la roche ; le quartz ne s’altère pas, certains feldspaths s’altèrent facilement, le calcaire (la calcite) se dissout aisément, les phases amorphes ont par définition des propriétés irrégulières, mais disons qu’elles sont assez sensibles à l’altération,
- des facteurs liés aux composantes physiques de la roche : des fractures permettent à l’eau de circuler, d’être plus et mieux en contact avec les minéraux et donc de se charger en éléments chimiques. Une granulométrie fine (grains de la taille d’un sable par exemple) a les mêmes conséquences tandis qu’une granulométrie très fine (grains de quelques microns) bloque la circulation de l'eau.
Les minéraux (et toutes les phases) présents dans les roches avant que ne commence l’altération (les roches dures dont est constitué la presque totalité du sous-sol) sont les minéraux ou phases primaires ; ceux (celles) qui se forment à leurs dépens, les minéraux ou phases secondaires. En vertu de tout ce que l’on vient de dire, on peut écrire LA grande réaction chimique qui décrit l’altération :
Roche + eau --> argile + éléments chimiques (ions) en solution dans l’eau
Et comme certains minéraux s’altèrent peu, comme il y a du CO2 dans l’atmosphère (et de plus en plus), comme les bactéries sont omni présentes à la surface de la Terre, il est plus juste de dire (voir dessin ci-dessous) :
Phases solides primaires + eau + CO2 + bactéries --> phases solides primaires résistantes (résiduelles) + phases secondaires (nouvelles ou néoformées) + éléments chimiques en solution dans l’eau.
Il en est de même des déchets et des roches.
L’expérience que nous avons acquise à l’Université de Limoges depuis 12 ans peut sans doute éclairer quelques interrogations et contribuer à faire avancer le débat et surtout la remédiation, c’est à dire la résorption des points noirs de pollution. En outre il me semble qu’un maillon manque entre les travaux des scientifiques, lus par quelques dizaines de personnes dans le monde et les utilisateurs potentiels que sont les administrations chargées de la protection de l’environnement, les exploitants ou les citoyens désireux de savoir ce qui se passe.
Je suis un enseignant - chercheur et non l’employé d’un journal à sensation, aussi je ne privilégierai pas le sensationnel, les titres accrocheurs ou l’audimat. Je veux seulement informer le plus objectivement possible y compris en disant nos doutes. Que mes collègues scientifiques veuillent bien m’excuser pour les approximations que je suis obligé de faire et peut-être pour ne pas mettre suffisamment en valeur tel ou tel travail que je peux par ailleurs ne pas connaître. Merci à tous les lecteurs de me signaler à l’adresse suivante les remarques et les suggestions que vous souhaiteriez faire : hubert.bril(at)unilim.fr (ou bien sûr via les commentaires). Je ne promets pas de répondre à tous les messages mais seulement de les lire et d’en tenir compte dans la mesure du possible.
J'essaierai d’alimenter ce blog tous les mois en développant successivement divers aspects de la question de la pollution métallique : les problèmes posés, les enjeux, les méthodes de travail pour la recherche, les méthodes de traitement pour la réhabilitation. Et le mieux pour commencer est de présenter ce que nous avons fait à Limoges et de vous faire part de quelques unes des questions que nous nous posons.
L'activité industrielle et minière laisse parfois derrière elle des sites contaminés par des polluants métalliques potentiellement toxiques. La recherche scientifique universitaire permet d'avoir un regard indépendant sur ces risques. Ce site présente quelques aspects l'activité de recherche dans ce domaine, tels que pratiqués à l'Université de Limoges.